RGPD, cookies, tracking server-side : le nouveau casse-tête des équipes marketing

La fin des cookies tiers, le durcissement des réglementations, la montée en puissance du server-side tracking… Le paysage du marketing digital est en pleine mutation. Ce qui était autrefois simple à mettre en œuvre, installer un pixel et suivre l’utilisateur est désormais un casse-tête juridique, technique et stratégique. Entre respect du RGPD, optimisation de la performance et collecte de données utile, les équipes marketing naviguent dans un environnement de plus en plus contraint.

Cookies : la fin d’une ère pour la data publicitaire

Pendant des années, le cookie a été le fondement du tracking marketing. Il permettait de suivre l’utilisateur, de mesurer les conversions, de faire du retargeting et de construire des audiences personnalisées. Mais cette dépendance touche à sa fin.

Disparition programmée des cookies tiers

Google a annoncé la suppression des cookies tiers dans Chrome d’ici 2025, après Safari et Firefox qui les bloquent déjà par défaut. Les conséquences sont considérables : la majorité des outils de mesure et de ciblage publicitaire reposent encore sur ces cookies. Sans eux, les données de conversion deviennent incomplètes, les campagnes perdent en précision, et le retargeting devient beaucoup moins efficace.

Pour les équipes marketing, cela signifie repenser toute la stratégie de suivi utilisateur, avec des alternatives plus respectueuses de la vie privée mais aussi plus complexes à déployer.

Le consentement, devenu incontournable

Le RGPD, renforcé par des décisions de la CNIL, impose désormais un recueil clair et explicite du consentement avant tout dépôt de cookie non essentiel. En pratique, cela réduit considérablement le volume de données disponibles : seuls les utilisateurs ayant cliqué sur « Accepter » peuvent être suivis avec précision.

La performance des campagnes s’en ressent directement. Les taux de consentement varient fortement d’un site à l’autre, et peuvent parfois chuter sous les 30 %. Résultat : une vision biaisée des performances, des modèles d’attribution faussés et une perte de confiance dans les indicateurs clés.

Le server-side tracking : la réponse technique, pas toujours simple

Face aux limites du tracking côté navigateur, les solutions de server-side tracking s’imposent progressivement comme une alternative crédible. L’idée : déplacer la collecte de données du navigateur vers le serveur, afin de mieux maîtriser les flux, contourner certaines restrictions et améliorer la qualité des données.

Moins de blocages, plus de contrôle

En mode server-side, les appels vers les plateformes (Meta, Google Ads, etc.) passent par le serveur du site web lui-même, et non plus directement depuis le navigateur. Cela permet d’échapper aux bloqueurs de pub, de limiter la perte de données due aux refus de cookies, et d’optimiser la performance des pages.

Ce modèle donne aussi un contrôle plus fin sur ce qui est envoyé, avec des possibilités de filtrage, d’enrichissement et d’anonymisation en amont. En théorie, il devient possible de concilier exigences de conformité et performance marketing.

Des défis techniques et juridiques à anticiper

Mais la mise en place d’un tracking server-side est loin d’être triviale. Elle nécessite :

  • Une architecture technique robuste, souvent avec des outils comme Google Tag Manager Server, Segment, Matomo On-Premise ou des solutions cloud spécifiques
  • Une coordination étroite entre les équipes marketing, data, dev et juridique, afin de garantir que les données collectées respectent les obligations réglementaires
  • Une gestion du consentement compatible, car le tracking côté serveur n’exonère en rien les obligations du RGPD. Le consentement doit toujours être respecté, même si la donnée ne transite plus par le navigateur

Le risque, en cas de mauvaise implémentation, est double : perte de confiance de l’utilisateur et sanctions administratives importantes.

Vers une nouvelle culture de la donnée marketing

Le marketing digital doit désormais évoluer dans un monde où la donnée ne se collecte plus passivement. Les entreprises doivent faire preuve de transparence, d’ingéniosité et de rigueur pour continuer à mesurer, cibler et personnaliser sans enfreindre la loi ni perdre en efficacité.

L’essor des first-party data et de la zero-party data

Face à la restriction des cookies tiers, les données propriétaires (first-party) prennent une importance stratégique : navigation sur le site, historique d’achat, interactions avec les e-mails, etc. Certaines marques vont plus loin en misant sur la zero-party data : données volontairement fournies par l’utilisateur via des questionnaires, préférences ou feedbacks directs.

Ces données, bien gérées, permettent de construire des audiences fiables et activables dans un cadre respectueux des règles. Elles redonnent aussi du pouvoir aux marques, qui ne dépendent plus uniquement des plateformes tierces pour cibler ou mesurer.

Un marketing plus qualitatif et moins intrusif

La contrainte réglementaire pousse à repenser les approches. Plutôt que de multiplier les trackers invisibles, les marques sont incitées à proposer de vrais échanges de valeur : contenus utiles, expériences personnalisées, transparence sur l’usage des données.

Les plateformes elles-mêmes évoluent : Google pousse Consent Mode V2, Facebook propose Conversions API, et des outils comme Piano Analytics ou Didomi s’alignent avec les attentes RGPD-first. Le modèle change : moins de volume, plus de qualité.

Une transformation profonde pour les équipes marketing

Le marketing digital entre dans une phase de transition structurante. Le temps du tracking omniprésent et sans contrôle est révolu. Désormais, la collecte de données doit être explicite, maîtrisée, optimisée et conforme. Cela impose aux équipes marketing de monter en compétence, de collaborer étroitement avec les équipes tech et juridiques, et de revoir en profondeur leur architecture de mesure.

Ceux qui parviendront à allier performance, transparence et gouvernance sortiront gagnants de ce nouveau jeu de contraintes. Les autres risquent de perdre en efficacité… ou en crédibilité.